Benoît Delépine, de passage à Bruxelles chez son ami Noël Godin, nous avait donné rendez-vous il y a quelques mois au Dolle Mol.
Quelle ne fut pas notre surprise de voir surgir, au milieu de notre entretien, Serge Larivière, convié à notre insu par ses alcoolytes. Ni une ni deux, je mets mon micro sous le nez de ce petit Grand Monsieur du cinéma belge pour une interview impromptue qui dégénérera en agapes rigolardes jusque tard dans la nuit…
Qu’est-ce que tu fais là, Serge ?
Ben je viens voir mes amis, moi, Benoît et Noël, quand même. C’est des vieilles connaissances.
T’as collaboré avec eux ?
J’ai tourné dans Le grand soir. Et dans Mammuth mais j’ai été coupé au montage. Et c’était vache parce que j’avais de chouettes scènes avec Depardieu, mais bon…
Et c’était une chouette expérience, de tourner avec Benoît ?
Ah ! c’est super, hein. Ils sont tout à fait à part, ces gens-là. Ils travaillent dans la créativité, la gentillesse, la folie, l’originalité, le respect… Des opportunités comme ça, ça ne se présente pas souvent, hein. Et puis des Kerven, il n’y en a pas beaucoup.
Avec qui d’autre tu aimerais tourner ?
J’aimerais bien tourner avec Jacques Audiard, par exemple. Mais bon, ça c’est des fantasmes…
Qu’est-ce que tu as comme projets ?
Comme projets… Ben, je sais pas, je peux pas t’en parler, moi. J’ai un projet de film qui me botte bien mais on ne peut pas en parler. Faut pas divulguer ce qui va se passer parce que c’est en cours de financement, machin, donc il va falloir rester discrets là-dessus. Ça et des trucs pour la télé. J’ai tourné pour Petits meurtres, en série, là, c’est pas mal. Pour de la télé, c’est pas mal, de la qualité. Sinon, voilà, c’est tout. J’ai travaillé longtemps en théâtre, ces quatre dernières années et là, je me remets au cinéma, donc, c’est long, il faut que ça reprenne.
[Noël crie : « Henri! »]
Là, il crie « Henri ! », je ne sais pas ce que ça veut dire.
Ben, j’ai tourné dans le film de Yolande Moreau, Henri.
Ha ! le même que Noël ?
Noël : Il est sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs.
T’avais déjà tourné avec Yolande Moreau, non ?
J’ai tourné, en tant que comédien, — et puis dans son film, Quand la mer monte — avec Yolande, dans Le couperet, de Costa-Gavras. Boh dans plein de films, en fait, je ne sais pas tous les citer parce qu’il y en a beaucoup.
Qu’est-ce qui te fait bander dans le cinéma ?
L’immédiateté, le « moteur/action »… par rapport au théâtre, c’est un truc super intense, quoi. Quand t’es sur des chouettes trucs, hein. Tu peux aussi te faire chier comme un rat mort, mais quand c’est excitant, ça l’est vraiment.
C’est un rêve de petit garçon ?
Oui. Mais mon papa et ma maman m’ont dit que je ne pouvais pas le faire. Alors, j’ai été mécanicien d’avions pendant dix ans. J’étais garagiste d’abord puis j’ai travaillé dix ans à la Sabena.
Comment est-ce que t’es arrivé dans le cinéma, en fait ?
Un quiproquo. Un demi mensonge. [Il pouffe] En fait, dans le cinéma, je suis rentré par la figuration : j’ai fait plein de figu partout, plein de films… Et pour le rôle, mon premier rôle, j’avais passé un casting et le mec me dit : « Vous avez tourné dans quoi ? — J’ai tourné dans Gros cœurs. — Vous faisiez quoi, dans Gros cœurs ? — Un flic », mais je ne disais pas que c’était une figuration et là, il m’a dit : « Ah ! Oui ! L’inspecteur Machin ! Très bien ! Très bien ! Ah oui, j’ai beaucoup aimé ! » Moi, j’osais pas dire que c’était de la figu, alors je dis : « Ben merci » et il me dit : « Ben écoutez, ben voilà, vous avez le rôle. »
Qu’est ce qui te fait bader dans le cinéma ?
Les gros nombrils sur pattes qui te donnent la réplique, parfois. Qui arrivent avec leur gueule, leur pognon, leur imbécillité… J’ai des noms, hein, j’ai des noms !
Moi, contrairement à Bouli, Yolande, tout ça, je ne fais pas partie des bankables. Donc, moi, je suis obligé de faire des plans alimentaires. Il me faut encore parfois arrondir les fins de mois et tourner dans une merde. J’essaie quand même de bien calculer, tu vois : j’essaie d’avoir beaucoup de jours et d’avoir peu à dire.
Un plaisir honteux cinématographique ?
Je ne sais plus comment il s’appelle. C’est un réalisateur que j’adore. [Rires] Max Pécas. Ça c’est tellement too much, tu vois, c’est… ça vaut la peine, hein. C’est Zidi, en… C’est vraiment n’importe quoi… Dans Les bidasses et tout ça, ils se marrent, et là, c’est atterrant, tu te dis « mais pourquoi ? »
Crédit photos : Gautier Houba