Au théâtre ce soir

I slipped
Didn’t mean, didn’t mean to do it that way
But I blew in on a whim, gone tomorrow? (Shit)
I’m gone today

Come, let’s play along and let each other lose
A win would cause an alarm
Don’t matter to me, don’t matter to you

I could keep you all for myself
I know you gotta be free
So free yourself
I could keep you all for myself
I know you gotta be free
So free yourself

Self-inflicted wound
Your gift, impeccable aim
Can really clear a room
All the bodies piled up in your wake

(It hurts) So bad
(It must) Oh yeah

I could keep you all for myself
I know you gotta be free
So free yourself
I could keep you all for myself
I know you gotta be free
So kill yourself

Queens of the Stone Age — Tangled Up in Plaid

À droite, Clotilde Delcommune dont on ne voit pas la tête, soulève sa jupe pour montrer porte-jarretelles, tatouage et culotte Sons of Disaster. À droite, Un bout de Selim des Sons of Disaster.
Photo : Dave Decat

Elle est brillante, elle est sexy. Elle est incisive. Elle est drôle. Ses yeux brillent et il n’y a que lui au monde. Elle l’enveloppe de son univers. Lui fait des piques. De plus en plus explicites. Parle à sa bite autant qu’à son cerveau et à son cœur. Lui dit les bons compliments. L’écoute parler (de lui). Sort les bonnes références, lui montre plus de peau qu’on n’en a le droit.
Elle le ramène, évidemment. Ils boivent encore. Trop. Elle lui fait lire ce qu’elle écrit. Lui fait écouter ce qu’elle écoute. L’impressionnant de tous ces livres chez elle. Qu’elle a tous lus, oui oui, sauf ceux à lire, et plus, bien sûr. Elle sait qu’elle a bon goût. Intello mais atteignable. Des références mais des amis. La culture sans son complexe d’infériorité (à lui). Sa chatte qui appelle. C’est plus facile de parler de culture que de désir.
Ils s’enroulent. Ils baisent. C’est bien. Plus que. La meilleure putain de baise de sa vie.

Elle parle beaucoup de sa liberté. Être poly. Être queutarde. T’inquiète, je te demanderai rien. Juste de temps en temps encore cette baise. Qui m’a incroyabilisée autant que toi. Et pourtant, tellement de mecs… Encore ta bite. Encore des rires. Encore des verres. On s’entend bien. Comme des potes, mais tu peux toucher mes seins. Recommencer souvent. On baise bien, quoi, merde !

Elle parle de ses blessures. Elle dit que c’est à elle de s’en charger. Sujets que d’habitude on tait. Low maintenance.
Elle est rock n’roll. Sauvage. Jim Morrison.
Et tendre. Attentive. Libre. Forte. Impressionnante. Sexy. Dangereuse ?

Je te demande rien. Juste la baise, l’alcool, la rigolade. Un des potes. Des seins que tu peux toucher. Que je te montrerai en public. Parce que rock n’roll. Parce que huhuhu. Une longue rigolade pornographique. Ça va être bien. Prends mon numéro !

Elle lui envoie des blagues et des propositions sexuelles. Elle lui propose des trucs cools à faire comme ça, dans le futur, si tu veux, pas d’obligation. Qu’il dise oui ou non, ça y est, ils ont des projets. Elle lui parle de ses potes. Drôles, brillants, aimants. Faut que tu les rencontres.
Elle parle de lui à ses potes (à elle). Beaucoup. Beaucoup. Tout sujet revient à lui.

Ils sont interchangeables comme des Barbies, ces mecs. Juste une caractéristique qui le distingue des autres. Qu’elle trouve cool. Comme si ça lui rajoutait quelque chose (à elle). Comme si ça la validait. Toujours besoin d’être validée. Droit d’être en vie. Lourde taxe. Le Poète. Le Jeunot. L’Anglais. Trouver un autre truc pour les bassistes, barmen ou guitaristes, y en a trop pour les reconnaître. Faudrait pas les confondre.

Elle vit plus fort, le monde est plus intense, les couleurs plus précises. Plein d’énergie. Cette fois, c’est différent. Cette fois, ça va marcher. Elle voit pas où ça pourrait foirer.
Il n’y a plus de mention de son statut sentimental sur Facebook depuis bien longtemps.

Ils se voient, ils boivent, ils rient, ils baisent. Elle l’écoute, a plein de petites attentions. Elle pense à lui tout le temps. Il lui manque. Elle baise d’autres en pensant à lui. Ça la fait baiser mieux. Elle dit aux autres de pas s’attacher parce qu’elle est amoureuse.
Elle l’écoute parler des autres femmes de sa vie. Elle dit qu’elle est ok avec ça, que c’est sain, que c’est ce qu’elle veut. Mais ça la fait chier quand même. Ce sont des connes. Pas matures. Elles te méritent pas. Je suis mieux.

Elle parle de blessures de son quotidien et de traumas de son passé. C’est pas facile (pour elle) de s’ouvrir comme ça. D’être vulnérable. Elle le lui dit. Évidemment.

Bourrée, elle fait d’eux un show porno. C’est important que le monde valide leur lien. De toutes façons, elle lui en a déjà parlé, au monde. Pour peu que le monde voulait bien écouter.

Elle parle de communication, de transparence. Ses blessures reviennent. Je suis désolée, ça va peut-être être plus compliqué que je l’avais prévu. Mais je gère. C’est pas à toi. T’approche pas trop. C’est ma merde. Communication, Transparence, Vulnérabilité. Ils se créent des règles.

Elle ose pas lui proposer de se voir aussi souvent qu’elle le voudrait. Elle ose pas lui dire qu’elle voudrait le voir souvent. Veut pas déranger. Fille cool. Low maintenance. Pote à seins qu’on touche. Elle passe beaucoup de temps à les imaginer dans les activités auxquelles il a pas tout à fait dit oui. Elle réprime l’image de lui avec une autre, agacée. Elle a pas le droit. C’est une fille cool. Les seins, tout ça.

Elle lui dit « je t’aime ». Il trouve ça trop tôt. Elle veut pas lui faire peur. Elle veut pas qu’il s’en aille. Elle l’aime, c’est dit. Explique que ça veut juste dire ça, « je t’aime », qu’elle ressent de l’amour à ce moment-là. Je le dis tout le temps à mes potes. Qu’il s’en aille pas, surtout, qu’il s’en aille pas parce qu’elle l’aime. Quand elle aime, on s’en va. Amour encombrant. Trop. Piédestal. Seule.

Elle écrit des grandes phrases romantiques. Elle le mérite pas. Comment elle peut se faire Chevalier ? Petite Fille Maudite qui attend son Prince Charmant.

Elle fait plein de trucs gentils (pour lui). Il les avait pas demandés. Elle lui fait remarquer qu’elle les fait. Mais d’une façon cool et rock n’roll, hein.

Elle fait plein d’efforts (pour lui) ; il les voit même pas. Il a rien demandé. Il s’éloigne, elle le sait, elle le sent. Tourne, retourne l’histoire dans sa tête. Liste de toutes les fois où il a foiré. En parle à une myriade de potes. Leur fait la liste. Litanie. Est-ce que ça vaut la peine de continuer ? Quand même, ce truc-là est impardonnable ! Le truc a souvent été établi par elle, poussé par elle, et il n’y a dit oui qu’à moitié. Impardonnable.

Elle pensait que ce coup-ci, c’était différent. Elle s’est encore gourée. Elle fait une blague sur le directeur de casting de sa vie. Et le patriarcat. Elle s’interroge. Ça réveille les relations d’avant. Elle est mal mal mal. Grosse fatigue, grande tristesse.

La liste de ses erreurs (à lui) encore et encore. Tristesse. Fatigue. La longue trop longue liste du mal qu’on lui a fait s’additionne. Litanie. Prières.
Mal mal mal. Triste et lourde. Pourquoi c’est toujours comme ça ? Pourquoi je les choisis aussi mal ?

Elle lui a dit que c’était à elle de gérer sa merde (à elle). Elle a besoin de temps sans lui pour ça. Pas lui faire porter. Ce serait pas juste. C’est sa merde (à elle). On va pas arrêter d’être une fille cool. Low maintenace. Une pote avec des seins qu’on peut toucher.

Elle revient avec des explications. C’était pas sa merde (à lui) ; elle l’a gérée toute seule. Elle se sent badass. Adulte. En accord avec la Bible poly. Communication, Transparence, Vulnérabilité. C’est le secret. La réponse obligée dès que la discussion sur le polyamour tourne du côté de la jalousie.
Communication. Vulnérabilité. Transparence. Quand x, je ressens y, et j’ai besoin de z.

Ça y est ! on a passé le premier grand écueil ! Elle est désolée d’avoir eu les parents qu’elle a eus, d’avoir connu les partenaires qu’elle a connus. Désolée d’être toute cassée. Mais elle est cool, hein ? — une pote qui…

Quelque chose a cassé sa confiance (en lui) et elle arrive pas à revenir en arrière. Chatte toute sèche. Plus de sourire. Fermée. Plus envie de lui. Plus envie de le voir. Plus envie de sentir ça. Jamais. Trop mal mal mal.

La litanie se rallonge et les potes ont quand même beaucoup de patience. Elle décide que c’est trop, qu’elle peut plus continuer. Ça fait une semaine qu’elle prend du temps pour elle et elle lui doit quand même une conversation face à face. Pour te dire que c’est fini. Ça me tord le cœur, mais bon, c’est de ta faute, c’était plus possible, j’ai une litanie pour le prouver.

Trois mois qui se sont répétés encore et encore depuis trop d’années.

Vraiment, tous, je vous ai aimés. Et je suis tellement triste aujourd’hui. Pour vous, pour moi et pour tous les enfants qu’on a été et qu’on est.