Authenticité, tripes, gros son, les Liégeois de It It Anita nous donnent envie de réenfiler nos gros pulls à trous de pouce ! Je les ai rencontrés lors des Nuits Botaniques où ils m’ont séduite avec leur gentillesse, leur charisme et leur énergie. Nostalgiques de Fugazi et de Pavement, ne les ratez pas !
Qui êtes-vous ?
Mike [guitare/chant] : On est des vieux Liégeois.
Damien [guitare/chant] : Alors, Mike vient de Malibu Stacy. Moi, il y a quinze ans, j’ai monté Jaune Orange avec quelques potes. Et puis entretemps, j’ai eu quelques groupes. J’ai joué dans des groupes comme Airport City Express. Christophe est le bassiste et il joue aussi dans un autre groupe qui s’appelle TERRILS avec qui je joue aussi… Il reste François, le batteur, qui était dans Airport City Express, qui était juste avant nous dans Fast Line Candies et qui était tout au début dans Tante Hermann, Tante Hermann qui était le premier projet de Daniel, le bassiste de Girls in Hawaii. Ça, c’est pour la constellation. Après, qui on est, ben euh…
Christophe [basse/chant] : Un groupe qui dit beaucoup de conneries. Qui parle beaucoup de voitures. Euh… de quoi est-ce qu’on parle aussi ? De films. Et des années nonante.
Et musicalement ?
D : On a trouvé l’étiquette « post-nineties ». Parce que voilà, c’est nos influences d’adolescents, — Pavement, Sonic Youth, Mogwai, Beastie Boys, Grandaddy… — qu’on a mélangées. On en fait quelque chose avec nos influences actuelles et voilà, ça fait ça ! On essaie rester nous-mêmes. Faire de la pop parce qu’on sait que ça passera en radio, ça ne nous intéresse pas. Et j’ai l’impression qu’on est en train de creuser une brêche par rapport à ce qui se fait actuellement. Je ne dis pas qu’on est les seuls à faire ça mais, voilà, on fait une musique assez tranchée, qui n’est pas ce qui passe en radio en ce moment…
C : On fait une « musique de vieux”, un peu, aussi. On un côté « classic rock », couplet/refrain, un peu vieux, un peu ringard. Mais on est comme ça. Et j’aime bien ce côté-là. Je trouve ça mieux d’être démodé que dans la hype du moment.
Et le nom, il vient d’où ?
D : J’étais à Charleroi à une performance où il y avait genre vingt batteries et vingt guitares. Le truc hyper hypnotique, hyper entêtant. J’étais là, hypnotisé par la musique, et au loin, sur une des valises, à l’autre bout de la salle, il y avait un autocollant où il y avait écrit un truc, je ne sais plus quoi. Mais moi, de loin, j’ai lu « It It Anita ». Ça a plu aux autres et on l’a gardé.
Il y a beaucoup de trucs qui bougent à Liège pour le moment. Vous avez une théorie sur ce renouveau liégeois ?
M : Il y a un côté « On se met ensemble pour être un peu plus forts. » Dans Jaune Orange, par exemple, un groupe qui joue, il prend un autre groupe Jaune Orange en première partie ; on s’échange des trucs, des plans — des ingés son, des musiciens… — il y a ce côté camaraderie. On essaie tous d’avancer dans le même sens en se tirant un peu s’il faut.
C’est quoi, Honest House ?
C : C’est un collectif musical liégeois de rock indépendant alternatif au sens très large. Des gens qui ont une culture musicale assez impressionnante, qui ne font pas de compromis, qui font ça avec le cœur…
D : C’est assez complémentaire de Jaune Orange, finalement, parce qu’ils travaillent sur une branche du rock indé que Jaune Orange ne fait pas vraiment… Donc plus le côté math rock, rock nineties, noise…
Il y a un truc extrêmement gentil dans votre image.
C : Je crois qu’on est le groupe le moins rock n’roll du rock!
D : On n’a pas envie de surjouer une image rock n’roll. On fait une musique qui est rock n’roll parce qu’on adore gueuler dans les micros et faire du bruit mais globalement, on est des mecs assez gentils, on est presque tous des papas…
M : On est responsables!
Et du coup, il y a un contraste entre cette
gentillesse et l’énergie de votre musique et de votre présence scénique…
C : C’est gai d’être sur scène, aussi !
D : Ça nous porte parce qu’on fait ce qu’on a envie
de faire, c’est-à-dire exploser — ce qu’on ne fait jamais dans la vie, quoi! Ça
nous donne un exutoire!
Damien, à un moment, tu as passé ta guitare à quelqu’un du public…
D : C’est un morceau où je chante pas donc j’ai pas besoin d’être sur scène. Pour Propulse, au Bota, j’avais envie d’aller au milieu des gens et puis ils m’ont porté. Ce n’était pas du tout voulu, ce stage diving ! J’ai été surpris ! Et puis j’ai kiffé ! Ce soir, l’histoire de la banane, c’était notre ami Paul — qui joue dans un super groupe qui s’appelle « Mont-Doré » — qui m’a offert une banane avant qu’on joue. Du coup, à ce moment-là du concert, je me suis dit : « Ah ben c’est le moment de manger la banane ! » J’ai donné la guitare, j’ai été manger ma banane et j’ai bu une bière.
C : T’as remarqué mon enlevage de lunettes à la fin de G Round ? Je me suis dit : « Soit je saute et je perds mes lunettes, soit j’enlève mes lunettes et je saute ! » Alors, j’ai enlevé mes lunettes. Je voyais plus rien.
Dans le même ordre d’idées, Christophe, tu applaudis à
la fin de chaque chanson.
C : C’est la première fois que je fais des
grosses scènes. Et il y avait plein de monde, les gens étaient chauds et ça
fait vraiment plaisir. Et donc, je suis content, donc j’applaudis! J’applaudis
Loïc, aussi, notre ingé son, qui fait un boulot de dingue. J’estime qu’on n’est
pas du tout des gens au-dessus des autres et qu’on doit dire merci aux gens
quand ils nous disent merci.
Et alors, cet EP ?
D : On avait besoin d’un objet pour commencer à démarcher des salles et des trucs comme ça. Et là, on avait ces cinq morceaux, les plus représentatifs de ce qu’on fait. Sur le vinyle, il y en a six parce que c’est une collaboration avec The Word Magazine, on leur a filé un plus vieux morceau, qu’on a remixé, comme bonus.
C : C’était notre première expérience de studio tous ensemble. Et ce qui est vraiment cool avec John Roo — qui nous a enregistrés et mixés — c’est qu’il nous a laissé faire comme on voulait. On a eu d’autres expériences avec d’autres studios où ils avaient leurs règles et, quelque part, on a dû s’y plier. Mais pour lui, on est arrivés et on a dit : « On veut du très fort, on veut ouvrir tout à fond, on veut faire du live, on veut faire plein de trucs » et Roo, il était là : « Cool ! Ça va être super ! » Au final, on sent vraiment que tout convient à ce qu’on avait envie de faire.
Si vous aviez un conseil à donner à quelqu’un qui a
envie de commencer son groupe, là, ce serait quoi ?
D : Que tu saches jouer ou que tu ne saches
pas jouer, tu prends ta guitare, tu mets ta disto à fond et tu cries dans le
micro !
M : Et tu ne crois jamais un ingé son qui
dit que tu vas trop fort ! C’est pas vrai !
D : Je pense que le truc, c’est que la
musique, elle n’est pas dans la technique, elle est dans les tripes.
Le plus grand pied que vous avez pris dans votre
carrière musicale ?
C : J’aime beaucoup les moments où on est en
van, où on est ensemble, où on redevient très cons. On va à la pompe, on achète
des livres de cul. Puis t’arrives quelque part, t’as une bière à boire. Puis tu
vas manger quelque chose. On a quand même de la chance, quoi !
Et votre plus grande colère par rapport à la musique ?
M : Ma plus grande frustration, c’est d’être ici en Wallonie et… tout le monde s’en fout! Vraiment. Je me souviens, aux Ardentes, ils avaient programmé Pavement en tête d’affiche un soir, il n’y avait personne ! Tu mets Mika, t’auras dix mille personnes! Les gens s’en tapent ! C’est pas une terre de musique à guitares, c’est comme ça, il faut l’accepter, mais parfois, ce serait peut-être gai d’être au pays de Galles ou… enfin, j’en sais rien…
C : Moi, la plus grosse colère, pour le moment, c’est le fait que toutes les radios tournent sur une playlist de dix morceaux, généralement electro pourri David Guetta, tu vois ? Il y a tellement de bons groupes, je ne comprends pas pourquoi.
Est-ce qu’il y aurait quelque chose que vous voudriez ajouter ?
M : Achetez des disques plutôt que de
télécharger !
C : Téléchargez puis allez les voir en
concert, achetez le disque au concert. Ça, c’est le bon schéma, je trouve !
Vous me racontez une blague ?
M : Comment c’était le truc ? J’ai oublié ! Ha non, j’ai oublié ! Le vendeur de trucs vietnamien sur le marché, là ! On lui vole un truc et il dit : « C’est ma nem, c’est ma nem ».
D : Ha ! « C’est mes nems ! » Non ?
M : Non. J’ai oublié le truc… J’ai pas le début, j’ai pas la fin, j’ai que le milieu mais c’est pas grave !
It It Anita est partout : bandcamp, soundcloud, youtube, instagram, facebook et twitter.
David Widart fait d’autres jolies photos que la pochette de l’album.
Roxane Ancis a photographié le concert et l’interview aux Nuits Botanique.