Nicolas Guiot : Magritte ou César ?

Lauréat d’une liste de prix longue comme un tentacule d’hentaï, parmi lesquels un César et un Magritte, Nicolas Guiot, réalisateur du Cri du homard, est juré de la toute nouvelle compétition Next generation au Brussels Short Film Festival cette année. L’occasion de lui poser moult dilemmes qui feraient s’arracher la perruque à Rodrigue.

À gauche, les questions cinéma pour le Brussels Short Film Festival sous un bic Chimay. Àdroite, le programme du festival.

Un jour en France ou Bruxelles ?
Oh ! Bruxelles ! Celle de Bashung, même si il vivait en France.

Les potes ou les filles ?
Il y a quelques années, j’aurais dit sans hésiter « les potes », je ne vais quand même pas dire « ma femme » parce que là, ce serait vraiment très bourgeois, donc je vais dire les deux, là.

Amour ou La haine ?
Ah ! j’ai adoré les deux, mais je dirais Amour quand même parce que Haneke, c’est un de mes cinéastes préférés et à la vision d’Amour, j’ai eu un truc un peu exceptionnel, c’est que j’ai pas vraiment pleuré mais j’avais les larmes aux yeux en permanence pendant tout le film donc je pense que c’est pas mal. Et puis, j’étais sur scène avec Emmanuelle Riva, pour les Césars, et je me disais : « Bah ! c’est pas mal, quand même ! »

Production ou scénario ?
Scénario.

Slip ou caleçon ?
Caleçon : j’aime bien les avoir un peu libres.

Liège ou Charleroi ?
Ah ! ça c’est violent comme question parce que je vais me fâcher avec tout le monde, là ! Alors, j’ai vécu pendant dix-huit ans à Charleroi. Charleroi, c’est mes origines, c’est brut, j’adore les gens, je trouve que c’est extrêmement cinématographique. Liège, c’est mes premières années d’études, c’est mes 18 à 23 ans, c’est mes belles années, mes premières années de liberté — bon, j’étais déjà libre avant mais… Je peux pas choisir. Si je dois choisir, je dis Charleroi, allez ! Parce que je connais plus de gens à Charleroi !

César ou Magritte ?
Les Magritte, ça a été très émouvant pour moi, les César, ça a été énorme et en même temps une énorme distance. Les deux ont été vécu très différemment…
Le Magritte c’était très émouvant parce que — c’est le milieu qui vote à chaque fois, donc — c’était le milieu belge et donc il y avait énormément de gens dans la salle que je connaissais, parfois qui devaient se demander ce que je foutais là parce qu’ils me connaissaient comme régisseur.
Et les César, je ne connaissant quasiment personne, alors c’était très gratifiant parce que justement, on peut imaginer que les gens ont apprécié le film et que c’est pas du copinage. En même temps, aux César, j’ai eu un recul énorme tout de suite parce que c’était tellement énorme et ça se prenait fort au sérieux. D’où mon attitude qui n’a pas plu à tout le monde mais en fait, j’étais beaucoup plus à l’aise sur la scène des César que sur la scène des Magritte, contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer.
Et donc, les deux ont leur saveur particulière mais bon, les Magritte, c’était le premier et comme tout le monde me parle du César, je dis le Magritte.

Collabo ou bourreau ?
Je pense que l’un n’empêche pas l’autre mais je pense être plutôt lâche donc je dirais collabo.

Long métrage ou court ?
Court parce que c’est ce que j’ai fait jusqu’à présent.

Nouvelle Vague ou Dogma ?
Je pense que les deux ont été aussi malhonnêtes l’une que l’autre. J’ai adhéré aux deux mais je crois qu’elles se valent, en fait. La Nouvelle Vague parce que c’était la première. Mais elles se valent.

Hergé ou Comès ?
Alors, là, je n’y connais rien en BD mais je connais Tintin. J’ai longtemps eu une réaction par rapport à Tintin très anti-bourgeoise ; c’était aussi ce qu’on m’avait lu quand j’étais petit. J’ai toujours préféré Franquin. Mais je ne connais vraiment pas assez Comès… Je pense que, quand même, l’air de rien, Hergé avait du talent.

Alcool ou sexe ?
Les deux peuvent faire bon ménage jusqu’à un certain point.

Tournage ou promo ?
Tournage. Sans hésiter.

Rire ou tendresse ?
Là encore, je ne pense pas que ce soit si opposé mais je dirais rire.

« Cultivons notre jardin » ou « Écrasons l’infâme » ?
« Cultivons notre jardin », c’est plus moi.

Repérage ou montage ?
Montage. C’est là où le film se réécrit. Période très compliquée mais passionnante.

Tourner avec des amis ou en grosse production ?
Grosse production si c’est possible, avec mes amis mais uniquement si ils sont talentueux, pas parce qu’ils sont mes amis.

Groland ou Monty Pythons ?
Ha, c’est dur ! Groland, parce que ça fait tellement de bien en France d’avoir des gens comme ça !

Clotilde Delcommune interviewe Nicolas Guiot lors du Brussels Short Film Festival. Il sit un truc en levant l'index droit. Elle est hilare.

Les groupies ou les autographes ?
J’ai signé mon premier vrai autographe en allant fumer une clope juste en sortant de la scène des César. C’est la première chose que j’ai demandé : si je pouvais aller fumer une clope quelque part. C’était très surprenant parce que des gens étaient derrière des barrières, à quarante mètres. J’étais là, avec mon César en main, ils m’ont vu arriver et ils hurlaient pour que je vienne près d’eux signer un autographe et ils ne savaient pas qui j’étais. J’y suis allé et je me suis rendu compte en signant l’autographe que j’étais entouré de CRS qui m’accompagnaient. Le type m’a demandé si il pouvait toucher le César et je pense que grâce à moi, c’était le plus beau jour de sa vie. Donc, j’ai un souvenir très ému de mon premier autographe.

Snob ou démago ?
Je pense que je suis plus snob que démago.

Chimay ou champagne ?
Chimay au festival du court, champagne au Fouquet’s. Ou l’inverse, d’ailleurs.

Les frères Coen ou les frères Dardenne ?
Rhô ! t’es abominable, quoi ! Les Dardenne parce que ce sont des gens que j’admire profondément, que j’ai vus au travail et puis que j’aime.

Le mec qui rentre dans un café, dit « Salut, c’est moi ! » et en fait c’était pas lui ; ou la petite fille à qui on a offert un harmonica avec des lames de rasoir aux bouts et qui, plus elle joue, plus elle sourit ?
J’aurais envie de dire la fille à l’harmonica mais en même temps, j’ai plus vécu le mec du café.

Boson de Higgs ou licorne ?
[après explications sur ce qu’est le boson de Higgs] Ben celui-là, alors : ça a l’air bien.

Nicolas Guiot et Clotilde Delcommune se sourient doucement lors de son interview au Brussels Short Film Festival.

Fouquet’s ou Supra Bailly ? [Les nominés des César se voient offrir un repas au Fouquet’s — ndlr]
Supra Bailly. Même si ça me coûte plus cher au Supra Bailly.

Subprimes ou Inquisition ?
Pour avoir beaucoup fréquenté l’extrême gauche à une période, j’en suis revenu et j’ai beaucoup de mal avec le contrôle total en général. Puis, en même temps, tout ce qui est finance me paraît complètement abstrait et absolument inhumain donc je suis un peu paumé là dedans.

Fièvre ou quotidien ?
Fièvre, quand même.

Manneken-Pis ou Atomium ?
Les deux sont drôles. Ce qui me fait rire, c’est que la différence entre la tour Eiffel et l’Atomimium est tellement représentative : la tour Eiffel, c’est un phallus très très haut tandis que l’Atomium, c’est rond, c’est belge, quoi, ça ne ressemble à rien.
Bon, le Manneken-Pis, non plus, il ne ressemble à rien. Voir tous ces Japonais devant cette petite statue de merde me fait toujours rire…
Et puis je suis retourné dans l’Atomium pour un tournage il n’y a pas longtemps, je n’y étais plus allé depuis que je suis tout petit. L’intérieur de l’Atomium, c’est 2001: Odyssée de l’espace, c’est vraiment incroyable ! Et ça vaut la peine, hein. Aller d’une boule à l’autre dans les escalators, c’est incroyable !

Dépression ou burn out ?
Pour le moment, c’est plutôt burn out mais la dépression ne va pas tarder.

Platon ou Nietzsche ?
Oh ! Nietzsche !

Jeudredi ou dimanche ?
Jeudredi sans hésitation.

Le cinéma ou la vie ?
Boh ! la vie, c’est quand même pas mal, parfois

Affiche du film Le cri du homard de Nicolas Guiot. Une petite fille, l'air perdu et la bouche ouverte.

Photos : Gautier Houba