Comme vous le diront tous ses habitués, le BIFFF, c’est, avant tout, une ambiance, un public. Et ses éternels olibrius. Dans la jungle alternative cinématographique bruxelloise, il est difficile de rater Rémy Legrand, « l’homme aux seins », la sous-préfète des festivals. Égérie de Jean-Jacques Rousseau, certes, énergumène urbain, bien sûr ; mais qui est-il ? La représentation deviendrait-elle, à force, identité ?
Qui es-tu ?
Rémy Legrand alias l’homme aux seins, l’androgyne mâle naturel, le gynécomastique.
Mais bon, je ne suis pas que ça, je suis bohémien, acteur de cinéma, ancien activiste, ancien globe-trotteur, prêtre satanique, bibliophile, cinéphage et… habitant Bruxelles, quoi.
N’oublie pas de mettre les trois petits point avant le « habitant Bruxelles, quoi ».
Qu’est-ce
que tu veux faire de ta vie ?
J’ai déjà grosso modo ce qu’il me faut sauf les plans cul.
Mes autres aspirations, c’est toutes sortes de rôles dans les séries B et Z, le
cinéma underground, les films d’auteurs plutôt, parce que j’ai comme vraies
ambitions d’être derrière la caméra mais de ne pas passer par une formation
conventionnelle.
Tu parlais
tout à l’heure de plan cul. Peut-être qu’on peut t’aider : qu’est-ce que tu
cherches ?
De l’âge légal à vingt deux, côté masculin. Si ça peut aider, oui. Vous aurez
même peut-être bien une figuration dans un film, tiens.
Donc tu prends tout, du moment que ce soit légal et
masculin ?
Voilà. Esthètes, décadents, intellectuels…
Comment
est-ce que ça a commencé, le cinéma et toi ?
Ouf ! ça remonte à l’enfance. En fait, j’ai eu un grand interdit parental : mes
parents ne m’auraient jamais laissé regarder un Hammer et ça n’a fait que me brûler et me mordre d’envie. Quand j’étais en
première primaire : j’ai bravé l’interdit parental chez des amis, j’ai volé des
Edgar Poe et des Jean Ray. J’ai
appris à lire comme ça en même temps que le Journal
de Mickey.
C’est
quoi, le BIFFF, pour toi ?
LE BIFFF, c’est l’événement de l’année avec les fins d’examens. J’ai commencé
le BIFFF un an avant d’avoir l’âge où on pouvait rentrer à l’époque, en
essayant de tricher.
Le cinéma,
c’est ta vie ?
Ça tient une grande place dans ma vie avec l’alcool, la drogue, le sexe, la
littérature, Nietzsche, Schopenhauer et caetara
et caetara [il prononce « ette
kaïtara »].
Qu’est-ce
que tu dirais à un potentiel employeur pour le convaincre ?
Pour des raisons administratives, je suis acteur bénévole. C’est une raison de
plus d’aller au BIFFF, hein. Je suis autant intéressé par les rôles freaks que
par les autres rôles. C’était surtout dans l’adolescence que j’étais stricto sensu stéréotypé
films B, films gores et caetara. Bon, aujourd’hui, j’ai l’esprit beaucoup plus large. Même pourquoi pas
m’essayer à un genre ? — même un truc que je déteste, je veux bien. Même un
téléfilm pourquoi pas ? histoire d’avoir l’expérience de vie. Bon, j’ai dit «
l’expérience de vie », j’ai pas dit une carrière là-dedans, quoi.
Il y a un
endroit où te contacter si on est intéressé ?
Me contacter, ça change tout le temps. Je suis devenu méfiant. J’ai quand même
eu beaucoup d’agressions homophobes. Donc, je dois tout le temps me balader
dans les rues de Bruxelles avec mon flingue. Je change souvent de contact
accessible.
Qu’est-ce qui te fait bander dans le cinéma ?
Le B innovant, les grands films d’auteur donc Paul Morrissey, Lars von Trier, Tsukamoto. Les comédies à l’américaine. Ça revient à cinquante pour cent de ce que je regarde en me grattant les couilles chez moi avec mes raviolis froids.
Mais qu’est-ce qui est important pour toi ?
Le plaisir, oui… Une passion, c’est une passion, pour décortiquer, euh… Je m’avoue vaincu, je n’ai pas trouvé quoi dire. Il y a l’ambition de passer à derrière la caméra que ce soit scénar, que ce soit réal que ce soit… Mais bon faut…faut m’y mettre, quoi et donc c’est de la figu en attendant et de passer dans toutes sortes de cinéma donc mainstream, séries b, underground voire téléfilms. À mettre sur mon cv, quoi.
Qu’est-ce
qui te fait bader dans le cinéma ?
Tous ces petits inserts propagandaires. Quand c’est le racolage américain… quoi
que l’Amérique a la seule culture que je connaisse qui a une contre-culture
meilleure que sa culture et quand c’est la contre-culture, il faut faire la
part des choses.
Ce qui me fait bader ? Quand c’est nunuche, aseptisé, pour ma part.
Un plaisir cinématographique honteux ?
Face à la mort, Mondo Cane, Les religions sauvages… Je n’ai pas de honte. Ils ont même du sens, ces films, contrairement à ce qu’on raconte.
Il y a aussi Sammy Case, Bel Ami productions et caetara et caetara.
Je te vois
traîner dans les festivals depuis pas mal d’années et la question que je me
pose, c’est : mais qu’est-ce que tu cherches ?
Là, j’y vais pour le divertissement. Voilà. Tu peux me poser d’autres
questions.
Mais tu es en représentation.
Un petit plus au tout, quoi. J’aime bien m’habiller fun.
J’ai l’impression qu’il y a un truc ontologique
quelque part…
Effectivement, je déteste la norme sociale, je déteste les dogmes, je déteste
ce que l’on appelait jadis la bourgeoisie, le christianisme et les religions
apparentées comme le nazisme ou l’Islam.
Je pense que je donne une bonne mauvaise impulsion à la société en y mettant de
la folie. Freud, un de mes auteurs favoris avec Shelley, a bien montré les
parallèles entre le carnaval et le Ça dans ses théories et donc, à force de
m’habiller coloré, j’essaie de créer un mouvement social et surtout briser ce
foutu Surmoi qui ne sert à rien et qui date du Moyen Âge.
Photos : Gautier Houba