Mais que Marianne était jolie

J’ai bien tout écouté tous vos débats, vos idées, vos croisades. Ça n’a pas été facile, faut pas croire, de tout bien vous écouter ; j’ai vomi plusieurs fois dans ma bouche.

Tu sais, camarade d’Outre-Quiévrain, camarade réac, camarade dame patronnesse, quelle est l’idée d’entre toutes vos petites sales idées qui m’a le plus filé la nausée ? Ta complaisance à petites tapes dans le dos de celui qui décide de la vie d’autrui parce que, quand même, cet imbécile d’autrui, il ne sait pas très bien ce qui est bon pour lui. Heureusement que tu vas le sauver et lui mettre plein de bâtons merdeux dans ses roues pour qu’enfin il comprenne, à force, comment rentrer dans ton droit chemin. Tout ça, bien entendu, pour son bien, tous tes efforts, toutes tes gesticulations, toutes tes belles phrases. Qui vont amener de jolies lois qui se feront appliquer à mignons petits coups matraques s’il le faut dans le crâne de cet ingrat.

Donc voilà, aucune femme ne peut faire le choix d’être payée pour du sexe. Le sexe c’est caca. Les femmes n’aiment pas le sexe. Elles l’acceptent parfois, en dissimulant, si elles le peuvent, un rictus de dégoût, mais il faut leur offrir des trucs ou leur taper dessus avant pour ça. Et de l’autre côté, tous les hommes sont des animaux. Qui pensent avec leur « vous savez quoi ». Qui ont toujours un peu de mal à comprendre le mot « non ». Il faut donc que tu mettes ton petit slip sur ton petit costume bleu pour sauver celles-là de ceux-ci. Certaines impudentes disent qu’elles ont choisi leur boulot. Heureusement, toi, tu as ta vision à rayons x, tu vois plus loin. Tu le sais bien, qu’elles disent ça mais qu’elles sont aveuglées et n’ont pas tous leurs sens. Alors, on va faire des lois pour les sauver !

Et tu vois, camarade pisse-vinaigre, camarade dans le rang, camarade normatif, je me sens quand même bien triste pour toi et ton pauvre petit appendice caudal tout blême et tout flétri. Parce que tu ne dois pas connaître grand chose de ce don, de cette extase, de cette communion. Que deux trois tristes va-et-vient reproductifs. Mais c’est pas une raison de gâcher la fête des autres. Figure-toi, mon pauvre pauvre ami, que sans tes bégueules vitupérations et harcèlements connexes, avec juste les lois existantes sur l’interdiction de viol et de traite des êtres humains, avec juste ce qu’il faut de bienveillance et de respect pour que cette vie nous soit à tous un minimum supportable — parce qu’il peut être une rencontre de solitudes, un moment hors du temps, de la tendresse, un savoir-faire ou mille choses encore qui n’appartiennent qu’à ceux et celles qui prennent la décision d’en vivre —, le plus vieux métier du monde pourrait être le plus beau métier du monde.