Nous avons, Célestin de Meuûs, et moi fait un exercice sur l’orgasme : après avoir couché ensemble, nous avons chacun, sans regarder le travail de l’autre, décrit cette relation sexuelle-là. Ces textes sont donc un diptyque. Le mien est Hymne à la joie.
Paupière catapultée sur l’omoplate.
À la terrasse où le printemps prend position ce sont d’abord nos gorges ; et le soleil fait dans les branches un palindrome.
Sa robe est en modulation constante à son épaule qui chute. Son tatouage ponctue sa chair au rythme de la nuit le feu – et à rebours : nous en serons le centre : le tremblement qui à la fois dégrafe et relève. Centre dont le jour qui tombe est point d’ancrage.
Chez elle est à deux pas ; nous escortons la nuit à mesure que nos ombres capitulent. Chez elle les murs sont comme des draps troués que la lumière suture.
Je sais pourquoi avoir gardé en moi son goût de langue et d’entre-jambe.
Sur le canapé nos corps s’enlacent. Nos lèvres ne veulent pas céder. Nos mains prennent le relais à l’exploration du corps qui se révèle. Ses aréoles sont fermes, sont lentes, et ses seins ont la rigueur délicate des années qui nous séparent. Mon corps n’existe plus, je ne suis que convergence. Mon ventre sur le sien.
Sa culotte est haut placée et quand je la retire tout son corps n’est plus qu’une courbe qui se tend. Je veux l’avoir en bouche. L’exploration du flux à la lisière du vagin et de la cuisse. J’ai la proche exactitude de mordre tous les grains de sa peau. Ses cheveux sont autant de routes concises sur nos draps qui se défont. Mon haleine se rapproche de la sienne lorsqu’elle me met à nu. Je le disais mon corps, c’est mon sexe qui converge. Nous ne sommes que chairs. Mensonges spoilés donc précision.
Elle me prend en bouche, c’est-à-dire je suis tout entier allongé sur sa langue. Mes orteils cherchent un repère inexistant, mon corps entier convulse. Je suis désormais entré dans ses entrailles. De moi il ne reste qu’une saccade, un rire sans point d’appui. Le temps n’a rien d’arithmétique, il est dissout.
Son sexe entre mes dents autour duquel ma langue gravite. Elle dit entre deux rires quelque chose sur les voisins que je retiens à peine. J’ai dans mes mains ses spasmes et le goût soudain de sa cyprine dans la bouche. Elle est une source renouvelée. Un verre d’eau fraiche que l’acidité saline relève. À mon tour de la boire. De conserver ce qu’elle me cède. J’agrippe ses fesses. Mes mains lui appartiennent et nous tremblons l’un contre l’autre.
Cigarette
et le silence crépite.
Nick Cave en est une brèche.
Sa main s’enroule autour mon sexe. Mes doigts la touchent. Accroupie, je rentre en elle. Nous construisons des va-et-vient qui nous rapprochent puis nous éloignent. Nos gémissements sont une musique tendue, ses cheveux cordes. Elle se penche sur le dossier, je la pénètre. Son dos est une cartographie de points de beauté. J’ai dans le sexe la nette impression de pénétrer un couloir aux murs desquels ivre l’on s’accroche, l’ankylose rassurante des nuits d’ivresse où tous nos sens titubent. Mes hanches ont toute l’étendue de son bassin. J’enfonce mon doigt dans son anus – nos gorges fondent. Ses seins sont dans ma paume. La saison n’explose-t-elle pas ? Mes lèvres sur sa nuque en sueur. Ses lèvres ! Nos cheveux collent. Nos échos se répercutent. Nous jouissons et c’est son dos qui légèrement nous porte.