After rape

J’ai passé tellement de temps à essayer de ne pas être une victime que je n’ai pas pris celui de pleurer. Tellement de temps à me protéger que je ne me suis pas laissée être triste. Ne pas être quelqu’un à qui ça arrive et ne pas accepter que ça me soit arrivé. Et trembler comme un putain de papillon autour de la lampe, la nuit. Toujours en vie, au moins, toujours en vie. Et si peu. Une colère qui m’encombre et la hantise qu’on me demande si ça va. Le fierté de répondre qu’on m’a violée et la solitude de ne pas laisser quiconque rentrer. J’ai été ma prisonnière si longtemps. Je ne veux pas être définie par vos dégueulasseries. Ce faisant, je refuse d’accepter qui je suis depuis que vous avez été dégueulasses. Saloperies.
À quel point la sueur d’un violeur s’imprègne dans ton ADN. Ce jour-là, vous n’avez pas seulement été dégueulasses, vous m’avez empêchée d’être moi. Toujours une putain de béquille. Toujours peur de me faire du mal. Pour les choses les plus simples. Est-ce qu’aujourd’hui je vais oser aller acheter des clopes au coin de la rue? Merci, la mondialisation pour les livraisons à domicile parce que je n’arrive pas à croiser un regard. Votre putain d’œuvre. Et puis la mienne. Travail collectif. Mes cauchemars réveillés. Plus qu’un tas de chair qui suinte et souffre. Quoi qu’il arrive. Moindre courant d’air. Mais je suis fière. Les viols ne me définissent pas. Je ne serai plus jamais la même. Les viols sont moi. Mais pas que. Tellement d’intimité avec vous. Ça me gratte sous l’épiderme, cette haine inoculée. En faire du beau. En faire de la vie. Saloperie. Et donc, violée, qui vais-je être ? Ça m’a changée. Je ne sais plus. Penser en dehors du « c’est un bien ». C’est, de toutes façons, une dégueulasserie. Et si j’en fais du beau, je ne vous en remercierai pas. Reconnaissante, quand même, d’explorer mes tréfonds. J’aurais pu le faire autrement. Avec du qui te fait croire en l’être humain. Pas cette envie de gerbe familière depuis que. Pourriture. Ne pas briser quelqu’un vaudra toujours mieux que quelque pathétique excuse que tu pourras trouver pour ce soir-là. Je ne suis pas ma chatte. Je ne suis pas un corps qui essaie de ne pas mourir. Mais tu m’as réduite un jour à ça. Et je ne peux pas l’oublier. J’ai du mal à ne pas m’en vouloir. Et puis je me dis que je pourrais être toi à la place. Alors ça va mieux. How the fuck do you sleep? I do have a lot of nightmares.