Baby steps

« Hey, ma chérie-choute, pourquoi t’es triste ? » que je me demande.

« Je ne sais pas trop », je me réponds. Et je m’apprête à me dire que c’est pas très grave, que c’est souvent comme ça ces derniers temps, que c’est une sale période avec plein d’anniversaires de morts et de viols et que je devrais continuer ce que je faisais, que ce sera sans doute plus intéressant.

« Je n’ai rien de plus intéressant à faire. Tu m’es précieuse. C’est pas le genre de trucs qui s’en va tout seul. C’est important. Parlons-en. »

Et je me suis reconnaissante. C’est qu’on m’a rarement parlé comme ça. Alors, c’est difficile de savoir que ça existe vraiment. S’inventer un moyen de communication.

C’est ce que je fais depuis un an, patiemment, lentement. Seule beaucoup. Trouver la bonne distance avec moi. Me traiter bien. M’importer. Avoir le droit de ressentir ce que je ressens. Avoir le droit d’être moi. Oser parler.

Quatre morts, deux viols, une opération, deux mois d’antibiotiques. Toujours debout. Changée. Je ne sais pas encore trop comment, je trébuche encore un peu dans mes interactions avec le monde.

J’ai choisi un mec que je ne connaissais pas pour me remettre au sexe. Que je ne connaissais pas linéairement, mais que mon instinct connaissait. Que mon moi du fond de moi reconnaissait. Et il m’a offert le don sacré du fond des orgasmes. La bienveillance. La bonne distance. L’intimité. Écouter ce qui doit être parlé. Rire ce qui doit être réjouis. Célébrer ce qui est la vie. Respecter ce qui est perdu. Ne pas se prendre les fardeaux. Parce qu’il n’y en a pas. La beauté des expériences différentes. Et de ce qu’on est en train de créer. Quelques heures d’éternel qui flottent de leur petit miracle, depuis, dans mes relations. Qui me redirigent doucement, tendrement, quand je perds le Nord de la pulpe des choses, quand je passe à côté de mon énergie.

« C’est difficile de se remettre à écrire, hein ? Tu as peur ?
— Énormément ?
— De te décevoir ?
— Et de ne pas avoir droit à ma voix.
— On y va doucement. T’as vu ? On a déjà un peu réussi.
— Oui, ça fait du bien. Mais je voudrais plus.
— On fera plus. Quand on sera plus. Aujourd’hui, soyons celle qu’il nous est possible d’être maintenant.
— Merci, je t’aime. Je suis contente d’être toi.
— Moi aussi. On se démerde bien. »