Bert, le scénariste de ma vie

Quelqu’un ne voudrait pas baiser un bon coup le scénariste de ma vie, s’il-vous-plaît ? Il en fait un peu trop pour le moment.

« — Ça fait déjà huit saisons qu’elle pleure sa meilleure amie à cette époque-ci de l’année — on perd de l’audience, ça va pas ! Alors, je me suis dit que j’allais lui mettre deux/trois amis qui se battent contre le cancer pour pimenter un peu les choses…
— Juste des cancers, Bert ? Je sais pas, ça risque pas juste de la rendre amorphe ?
— Vous avez raison, les gars, voyons plus loin, plus haut, le ciel est la limite… Je vois — oh, ça va être magnifique ! — un bon gros suicide bien flamboyant… Et puis, juste quand elle commence à se remettre, on tue son chat ! Oh ! J’aime tellement cette idée que je veux lui faire l’amour ! Mouhahahahaha !
— Hahaha ! Sacré Bert ! Bert ? Bert ? »

Je l’aime bien, moi, ce type, en général : il a un humour plutôt tordu et une créativité impressionnante ; mais bon, parfois, il est un peu over the top…

Me voilà donc là, réapprenant chaque mois à mettre un pied devant l’autre, dans mon fort de bières et de chansons tristes. J’apprends à lâcher prise. À accueillir ma tristesse. À être fière de mes amours. À vivre une vie à trous.

C’est difficile, la mort. On ne sait pas quoi en dire. Il n’y a pas beaucoup à en dire. Le plus dur, dans la mort, c’est d’en parler. Pas parce qu’il n’y a pas beaucoup à en dire, mais parce qu’il y a beaucoup de gens qui ne savent pas quoi en dire. Alors, ils te foutent leurs peurs, leurs croyances et leurs souffrances à eux bien, là, fort au fond de la gorge comme si t’étais une oie dans le Périgord.

C’est difficile, la mort, parce qu’elle n’a pas de sens. Que ça n’a rien à voir avec toi. Même si elle enveloppe tout ton quotidien dans le lent d’une vie en pointillés que t’essaies de reprendre. « Tu n’es pas le putain de centre du monde ! », qu’elle te dit, la mort. « Hey, mort, je suis déjà en lambeaux, là ; t’es vraiment obligée de me rappeler, en plus, que ma vie est toute petite ? »

Mais c’est chouette, la mort, parce qu’elle te montre ce qu’il y a d’absolument bouleversant dans une toute petite vie. Ce truc ténu, patient, comme une fleur qui éclot. L’amour. La singularité.
Les pépites au fond des yeux de l’amie noyée. La douceur dans les gestes de l’amant suicidé. Le bien-être du chat euthanasié quand tu lui caressais le ventre. Il y a au monde des trucs similaires, bien sûr, mais ceux-là, ils n’étaient rien qu’à eux. Et ils sont à moi. Je les porte avec fierté. Et je les retransforme en bouts de moi que je donne, dans ma vie minuscule.

Cette drôle de longue chaîne, sur une petite planète qui tourne, de sourires entendus, d’orgasmes, de rires, de ronronnements. Ce feu au fond de toi. Ça aide à dire à ceux qui ne te donnent pas d’aller se faire foutre, que t’as mieux à faire ailleurs, loin de leurs vexations, peurs, croyances et souffrances. Qu’il y a plein de gens dont tu veux profiter des pépites de vie qui vous restent.

Je suis là, dans mon fort de bières et de chansons tristes et j’interromps mon apprentissage dès qu’un des chats qui restent vient vers moi ou qu’un ami m’appelle. Et ça va. Ça va aller. Ma petite vie fait partie d’une jolie chaîne.

Merci, Bert, de tout ce précieux que tu mets sur mon chemin, tu fais un putain de bon boulot.
Mais s’il-te-plaît, là, respire un bon coup et va draguer !