Broken flowers

Un peu fatigué, un peu sous le charme, le rédac’ chef me demande d’écrire un texte sur « la différence entre baiser et faire l’amour ». Je trouve le thème un peu bateau, ça m’agace. Je sors, tout ça me trotte en tête.

Au fond de l’interlope de la nuit, Ferré vient me susurrer à l’oreille Cette blessure. Tout ça s’éclaire. Le cul que je raconte. Une ébauche de réponse à la requête d’un charmant garçon surmené.

Tu vois, un jour, j’ai eu envie d’avoir une idée du nombre de mecs qui sont rentrés dans ma chatte ; j’ai alors fait un effort de mémoire. Pendant toute une semaine, chaque jour me revenaient des coups d’un soir, des amitiés érotiques oubliés. J’ai été époustouflée par le fonctionnement de l’exercice. Je me souvenais avant tout des putain de blessures. Fêlures ou bizarreries. Un réveil au son étrange. Une cicatrice. Un zozotement. Le genre de trucs qui te fait te sentir bizarre, un peu mal à l’aise, pendant tout le temps où t’es en face de l’autre…

Longtemps — à défaut d’avoir appris à me coucher de bonne heure — je suis tombée amoureuse des failles. Et ça n’a pas changé. Un embonpoint me fait rêver et une rougeur m’excite. Ce que je peux reconnaître de plus vrai dans telle nuit est le bégaiement de mon compagnon.

« Heureux les fêlés car ils font passer la lumière», tes amis facebook te l’ont dit. Lecteur, tes failles, tes rougeurs sont ton individualité. Les portes d’entrée dans la relation. C’est l’espace qu’on peut remplir avec du « nous ». Tes rides, tes cicatrices, ton histoire.

C’est sans doute ça, ma différence entre baiser et faire l’amour : les personnes avec qui je baise, je vais les oublier. Et c’est très bien comme ça. Des fois, j’ai besoin d’une bite sans histoire, sans individualité. Pour me remplir et m’oublier. Souvent, je vis une histoire en raccourci dans mes petites amours d’un jour. Avec une vraie personne, avec son odeur, avec ses blessures, avec sa beauté propre.
T’es beau, lecteur, quand t’es faillible. Tu me fais un peu moins peur. J’ai envie de me jeter sur toi.